mercredi 26 juin 2013

The Growlers – Hung At Heart (Everloving Records)


La vie contemporaine est par trop trépidante et nous oublions souvent d’où nous venons, sans savoir où nous allons. Il faut savoir se retourner, s’appuyer sur la sagacité de certains d’entre nos Anciens, brillant d’un passé glorieux comme des phares dans la nuit, voyant plus loin que l’horizon, nous extirpant des Âges Sombres auxquels nous nous croyions condamnés. Grâces leur soient rendues pour nous avoir montré le chemin vers la Lumière.

Patrice de Mac-Mahon, le 26 juin 1875 : « Que d’eau, que d’eau !»
Hé ouais mon gars, c’est la Californie ! Cette étendue d’eau que tu contemples, engoncé dans ton uniforme désuet avec tout plein de boutons dorés et de trucs qui pendouillent, ça s’appelle L’Océan Pacifique. Alors tu m’enlève ça, tu dois salement transpirer là-dedans, c’est mauvais pour ton cœur, tu m’enfile une chemise à fleurs et tu vas batifoler avec ces superbes naïades semi-dénudées qui lézardent sur le sable, ça te rappellera les bordels militaires de campagne. Oui, elles ont les seins qui tiennent debout tout seuls, ça s’appelle le silicone, tu ne connais pas, ça fait drôle au départ, et puis on s’habitue. Tu peux garder ta moustache, c’est super mon coco, ça plaît aux filles.
Tiens, je vais te présenter tes nouveaux amis, de jeunes moustachus sympathiques, inventeurs du beach goth, sorte de gothique balnéaire, ou surf music de fumeurs de joints (on n’est pas ici chez les Trashmen, c’est le moins que l’on puisse dire). Ça te changera de tes grenouilles de bénitiers habituelles, les types en robe, tu peux les oublier. Tu vas voir, ça va te détendre. 



Mais attention ! La gaudriole, ça ne va qu’un temps. Ne vas pas croire que The Growlers vont rester sur la plage à fumer des bières, les poings sur les hanches, le bide en avant, avec le sable qui gratouille un peu entre les deux orteils qui retiennent les tongs. Tu commettrais alors une belle erreur : ils bossent sacrément, ces garnements. Et ils nous gratifient d’un album généreux dans sa durée comme dans sa qualité. Tout en évitant le son qui pue le rock de stade, ces teigneux n’ayant pas cédé aux sirènes du succès garanti made by Dan Auerbach, péché auquel d’aucuns n’ont pas su, hélas, récemment résister.


Edouard Balladur, 4 novembre 1993: « Je trouve qu’il fait chaud… »
Bien vu, Ed’, il fait chaud, très chaud ! Non qu’il s’agisse d’une référence au précédent opus des Californiens, le délicieux Hot Tropics. Non, c’est l’atmosphère de Hung At Heart qui est chaude bouillante. La mollesse présumée lors des quelques premières écoutes cache en réalité une sensualité languide et lancinante. La basse, chaloupée, les guitares, sinueuses, et la voix indolente nous bercent pour mieux nous faire des choses. Je ne veux pas savoir lesquelles.
A ce propos, nous pouvons opérer un rapprochement assez évident avec l’ancien Premier ministre : ni l’un ni les autres ne sont Jello Biafra. Les saillies colériques ne font clairement pas partie de leurs panoplies respectives. Le chant adopte une décontraction qui semble être à toute épreuve. Peut-être parce qu’il fait chaud, en Californie. Alors tout dans ce disque est cool. L’orgue est mélancoliquement cool, la basse est cool et dansante, la guitare, très connotée surf, reverb à donf, est cool. Même la batterie est cool. Et le chant est méga cool. Balladur, lui, n’est pas cool. Il devrait écouter The Growlers.



Jacques Chirac, juillet 1998 : « Si, il y a six mois, on nous l’avait dit, on aurait signé tout de suite ! »
Si, il y a six mois, on nous avait dit que nous irions par les chemins de nos belles provinces, le coude à la portière, béatement bercés d’une atmosphère musicale décontractée et baignée par un radieux soleil enfin estival, blés et orges, percés de ci, de là d’écarlates coquelicots, ondulant dans la légère brise balayant les timides reliefs s’étendant à perte de vue, nimbés des subtiles nuances du bleu de l’horizon, de délicates nappes de brume s’élevant au dessus des vertes vallées creusées par le patient travail de l’eau chantant entre les pierres, franchement, on aurait signé tout de suite.
NICO


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1 commentaire:

  1. Je commence à m'interroger sérieusement sur mon équilibre psychologique : j'ai presque aimé les morceaux proposés et j'ai levé un sourcil admiratif en appréciant le style enlevé de l'article. Ça va mal. ^^

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