La vie contemporaine est
par trop trépidante et nous oublions souvent d’où nous venons,
sans savoir où nous allons. Il faut savoir se retourner, s’appuyer
sur la sagacité de certains d’entre nos Anciens, brillant d’un
passé glorieux comme des phares dans la nuit, voyant plus loin que
l’horizon, nous extirpant des Âges Sombres auxquels nous nous
croyions condamnés. Grâces leur soient rendues pour nous avoir
montré le chemin vers la Lumière.
Patrice de Mac-Mahon, le
26 juin 1875 : « Que d’eau, que d’eau !»
Hé ouais mon gars, c’est
la Californie ! Cette étendue d’eau que tu contemples,
engoncé dans ton uniforme désuet avec tout plein de boutons dorés
et de trucs qui pendouillent, ça s’appelle L’Océan Pacifique.
Alors tu m’enlève ça, tu dois salement transpirer là-dedans,
c’est mauvais pour ton cœur, tu m’enfile une chemise à fleurs
et tu vas batifoler avec ces superbes naïades semi-dénudées qui
lézardent sur le sable, ça te rappellera les bordels militaires de
campagne. Oui, elles ont les seins qui tiennent debout tout seuls, ça
s’appelle le silicone, tu ne connais pas, ça fait drôle au
départ, et puis on s’habitue. Tu peux garder ta moustache, c’est
super mon coco, ça plaît aux filles.
Tiens, je vais te
présenter tes nouveaux amis, de jeunes moustachus sympathiques,
inventeurs du beach goth, sorte de gothique balnéaire, ou
surf music de fumeurs de joints (on n’est pas ici chez les
Trashmen, c’est le moins que l’on puisse dire). Ça te
changera de tes grenouilles de bénitiers habituelles, les types en
robe, tu peux les oublier. Tu vas voir, ça va te détendre.
Mais attention ! La
gaudriole, ça ne va qu’un temps. Ne vas pas croire que The
Growlers vont rester sur la plage à fumer des bières, les poings
sur les hanches, le bide en avant, avec le sable qui gratouille un
peu entre les deux orteils qui retiennent les tongs.
Tu commettrais alors une belle erreur : ils bossent sacrément,
ces garnements. Et ils nous gratifient d’un album généreux dans
sa durée comme dans sa qualité. Tout en évitant le son qui pue le
rock de stade, ces teigneux n’ayant pas cédé aux sirènes du
succès garanti made by Dan Auerbach, péché auquel d’aucuns
n’ont pas su, hélas, récemment résister.
Edouard Balladur, 4
novembre 1993: « Je trouve qu’il fait chaud… »
Bien vu, Ed’, il fait
chaud, très chaud ! Non qu’il s’agisse d’une référence
au précédent opus des Californiens, le délicieux Hot Tropics.
Non, c’est l’atmosphère de Hung At Heart qui est chaude
bouillante. La mollesse présumée lors des quelques premières
écoutes cache en réalité une sensualité languide et lancinante.
La basse, chaloupée, les guitares, sinueuses, et la voix indolente
nous bercent pour mieux nous faire des choses. Je ne veux pas savoir
lesquelles.
A ce propos, nous pouvons
opérer un rapprochement assez évident avec l’ancien Premier
ministre : ni l’un ni les autres ne sont Jello Biafra. Les
saillies colériques ne font clairement pas partie de leurs panoplies
respectives. Le chant adopte une décontraction qui semble être à
toute épreuve. Peut-être parce qu’il fait chaud, en Californie.
Alors tout dans ce disque est cool. L’orgue est mélancoliquement
cool, la basse est cool et dansante, la guitare, très connotée
surf, reverb à donf, est cool. Même la batterie est cool. Et le
chant est méga cool. Balladur, lui, n’est pas cool. Il devrait
écouter The Growlers.
Jacques Chirac, juillet
1998 : « Si, il y a six mois, on nous l’avait dit, on
aurait signé tout de suite ! »
Si, il y a six mois, on
nous avait dit que nous irions par les chemins de nos belles
provinces, le coude à la portière, béatement bercés d’une
atmosphère musicale décontractée et baignée par un radieux soleil
enfin estival, blés et orges, percés de ci, de là d’écarlates
coquelicots, ondulant dans la légère brise balayant les timides
reliefs s’étendant à perte de vue, nimbés des subtiles nuances
du bleu de l’horizon, de délicates nappes de brume s’élevant au
dessus des vertes vallées creusées par le patient travail de l’eau
chantant entre les pierres, franchement, on aurait signé tout de
suite.
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NICO
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Je commence à m'interroger sérieusement sur mon équilibre psychologique : j'ai presque aimé les morceaux proposés et j'ai levé un sourcil admiratif en appréciant le style enlevé de l'article. Ça va mal. ^^
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