mercredi 12 juin 2013

Feeling Of Love - Reward your grace (Born Bad Records, 2013)

Ça y est, je suis un vieux con...
J'ai découvert The Feeling Of Love alors que "OK Judge Revival" venait de sortir et ça m'a plu instantanément. Enfin, quelques titres parmi les plus évidents. Puis j'ai insisté. Il y avait d'authentiques morceaux de Velvet dedans, et d'autres choses encore, fort nouvelles pour mes oreilles que je croyais blasées. Alors ça a tourné. Et pas qu'un peu. Puis "Dissolve Me" est arrivé à la maison et j'étais tout triste. Beuh... C'est quoi ce truc ? Non, cela ne se peut... Nonobstant cette première décevante, à force d'insistance, cet album s'est imposé comme un des best-of personnels. Finis les guitares qui font saigner les oreilles et les morceaux un peu anecdotiques. La composition s'est affinée tout en s'apaisant, la production a permis au son de prendre une autre ampleur, rhôô que c'est bon. La bande-son idéale pour accompagner tout déplacement automobile dans l'immensité déserte et désolée de plateaux céréaliers écrasés par un plafond nuageux aussi bas qu'anthracite et tourmenté ou pour meubler l'intérieur d'un salon confortablement intimiste et réchauffé par un feu de bois après une rude journée de labeur. Un album total.
Ces sentiments sont sortis renforcés d'un impeccable concert au Clacson, malgré une atmosphère étrange due, selon des sources d'une fiabilité très douteuse, à un plat de lasagnes... Une tension communicative chez chacun, une guitare finement torturée, des morceaux martelés (quel jeu de batterie !), parfaitement maîtrisés, un public sous contrôle. Trop bien. J'aime ce groupe, vraiment. Et cette déclaration d'amour a de l'importance.


L'impatience était donc de mise : un nouvel album, vite !
Le split 45 t partagé avec Ty Segall, avait un peu calmé les crises de manque, le j'en veux toujours plus, la soif d'encore. Provisoirement, car l'envie de sensation de l'amour est revenue bien vite, trop vite. Enfin, un bruineux matin d'avril, la voiture de la gentille postière a stoppé devant chez moi et, nimbé d'un seul et unique rayon de soleil cisaillant la printanière grisaille basse-bourguignonne, un carton d'une cinquantaine de centimètres de côté sur une épaisseur de quelques uns à peine a comme flotté jusqu'à moi au dessus de quelques stères de charme jetés en vrac, alors que j'étais bien emmerdé avec cette " %&#$µ£ "  de tronçonneuse, en fait c'était parce que je n'avais pas bien nettoyé l'arrivée d'huile de chaîne et ça coulait de partout sauf là où il fallait que ça aille, c'est-à-dire sur la chaîne, qui avait logiquement tendance à chauffer et donc à s'émousser et franchement, il faut le reconnaître, il y difficilement plus contre-productif que ce type de situation. Malgré l'excitation palpitant mon malheureux muscle cardiaque, il m'a fallu attendre le soir pour profiter de la nouvelle livraison.
Au crépuscule, le bois sec crépitait dans la poêle, réchauffant une atmosphère rendue solennelle par l'importance du moment. Les premiers symptômes de l'émoi commençaient à se faire sentir : la bouche sèche, les oreilles en feu, le cœur battant la chamade, oh mon dieu, cet énorme disque n'entrera jamais dans ma petite platine toute moite, tout ça.
Et c'est à ce moment précis que je suis devenu un vieux con.
Il y a eu le truc classique : Beuh... C'est quoi ce truc ? Non, cela ne se peut... Et si... Bon, sur le coup, je n'ai pas vraiment paniqué : je connais le coup maintenant. Première écoute décevante, puis montée progressive vers l'orgasme et sourire béat post-coïtal classique. Sauf qu'on est maintenant en juin et que toujours rien... Merde. J'ai lu les chroniques des autres, dithyrambiques, lu de très intéressantes interviews-explications morceau par morceau, écouté, réécouté. Des portes se sont ouvertes, des morceaux dévoilent leurs qualités, certaines. Mais y'a comme un truc...


Place maintenant à l'analyse du pourquoi du comment. Je ne vais pas refaire l'album morceau par morceau, d'autres que moi l'ont déjà fait, et bien mieux que je ne le pourrais. Je crois sincèrement que c'est une question de goût personnel. La tournure "pop" est volontaire, assumée par les membres du groupe et moi je n'aime pas la pop (à me relire, ce que je viens d'écrire est complètement con, mais j'ai décidé d'assumer). Mais cela ne peut s'arrêter là. Les morceaux sont-ils mauvais ? Loin de là ! Et je m'en voudrais de penser et d'écrire ce genre de chose concernant un groupe dont la musique comme l'attitude m'impose le respect. Mais je n'accroche pas. La preuve, c'est que même si je n'accroche pas, je sifflote. Je persiste, les morceaux n'ont rien de mal composé, au contraire, ils se sont complexifiés, sont plus ambitieux, plus aboutis. Mais The Feeling Of Love excellait dans la répétitivité (on a assez cité les influences krautrock, Suicide, Spacemen 3, etc, les concernant), dans la transe. Or, je n'arrive pas à retrouver cette lancinance réitérative, à prendre cette calotte tant espérée (à l'exception notoire de Castration's Fields, morceau fascinant incarnant le plus mes attentes feelingoflovesques, ou de I Could Be Better Than You, But I Don't Wanna Change, déjà présent sur le split susnommé). Et pour ce qui me concerne, c'est là que le bât blesse : flotte une atmosphère d'étrange légèreté à laquelle j'ai du mal à me faire... Encore qu'en concert, l'atmosphère de tension imposée par ce groupe majeur de la scène française doit sublimer ces mêmes compositions (mais pourquoi évitent-ils consciencieusement de jouer à moins de 250 km de mon domicile ?).


Cette idée m'amène à un deuxième élément d'explication : la production. Je suis loin d'être un spécialiste de la chose, mais à force d'écoute (car j'insiste !), deux aspects m'ont particulièrement sauté aux oreilles. Le son est propre, presque trop, et donne une teinte très 90's aux morceaux, qui n'atteignent pas de ce fait l'intensité rêche des albums précédents. Et la batterie de Seb Normal, sur laquelle j'avais bloqué comme jamais auparavant, sonne plus "molle", moins présente, plus classique, en somme. Et je crois que pour ma part, c'est là que tout se joue. Ce disque, nonobstant des qualités intrinsèques indéniables en terme de composition, sonne classique, moins dense, moins torturé (malgré des thèmes lugubres, puisque tournant globalement, pour ce que j'en ai compris, autour de la mort). Et l'auditeur que je suis éprouve des difficultés à s'immerger pleinement sur la longueur, ne retrouvant pas la densité de l'album précédent. Merde, non, pas ça, pas "c'était mieux avant", je m'étais promis, pourtant... Quand je vous dis que je suis devenu un vieux con...
LA GOGNE









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